Il y a quelques semaines, l’école a eu le plaisir d’accueillir Frédéric Gros, philosophe français, spécialiste de Michel Foucault. Il est également professeur de pensée politique à l’Institut d’études politiques de Paris et chercheur au CEVIPOF.

Nos élèves ont donc eu l’opportunité d’échanger avec lui à propos de son livre intitulé Désobéir, publié en 2017 et donc de faire mûrir leur réflexion concernant le thème de travail du 1er trimestre : Obéir/Désobéir.

Obéir désobéir selon Frédéric Gros :


« Si tout le monde obéissait, ne serait-ce pas un autre cauchemar ?« 

« Nous devenons des monstres d’obéissance dès que l’obéissance devient automatique, quand elle devient une machine (…) lorsque l’on est l’agent/l’exécutant et non l’auteur… »

« Sommes-nous dans une société qui fonctionne à l’obéissance ?

« Nous passons notre existence à obéir pour éviter la liberté et son vertige insupportable. »


Au cours de cet échange, Frédéric Gros a tenté de répondre au thème en évoquant plusieurs murs auxquels nous faisons face dans l’acte d’obéir ou de désobéir :

La peur / la solitude / le conformisme / la subordination / la liberté / l’imagination / la honte.


« …On obéit selon un certain style… » F. Gros

La peur : peur de la sanction. La raison de mon obéissance est l’impossibilité de ma désobéissance. Produit d’un rapport de force menant à la soumission et toute son ambiguïté.

La solitude : désobéir c’est sortir du lot, du groupe, d’une communauté qui se forme avec l’acceptation de règles communes.

Le conformisme : « Pour être quelqu’un, il faut pouvoir être comme tout le monde ». Style d’obéissance, la sanction : le regard des autres ? La stigmatisation.

La subordination : « Les gens qui ont le moins d’autorité sont les gens autoritaires. » Obéissance par un rapport d’autorité et d’admiration (désir de ressembler). La peur de décevoir. Demande d’amour et d’obéissance qui commence chez l’enfant avec ses parents. L’obéissance en signe de désamour.

La liberté : est vertigineuse. Nous passons notre existence à obéir pour éviter la liberté et son vertige insupportable.
« Si on obéit c’est qu’on a peur d’être libre » (réalité du premier confinement ?)

L’imagination : c’est dissocier la réalité et son principe d’acceptation. Vibration apportée au réel.


« Pour inventer, il faut désobéir. » Oscar Wilde

La honte : sentiment révolutionnaire. C’est l’affect de l’imagination, qui nous transporte, qui se communique.
La honte dynamite / la honte étincelle :
comment transformer la honte en colère ?
Sinon la honte se transforme en tristesse… Dans la honte on est traversé par la rage de notre impuissance. Alors que l’indignation nous stabilise dans les codes moraux. La honte est plus puissante que la culpabilité.

Marx disait : » Et si tout un peuple avait honte, il serait comme un lion prêt à rugir de colère. » Quant à Rousseau, pour avoir de la pitié et de la honte, il faut avoir de l’imagination et se mettre à la place de l’autre.

Une fois avoir identifié et déconstruit ces murs, Frédéric Gros a conclu son intervention en ouvrant le débat sur notre actualité, notre société et notre rapport à l’obéissance en ce contexte de crise sanitaire…


« Le monstrueux manque d’imagination. Est-ce peut-être ce dont on manque le plus aujourd’hui ? (…)
Aujourd’hui on passe plus de temps à montrer qu’on existe plutôt qu’à exister… »
F. Gros